mardi 9 décembre 2014

L'indulgence

Pour élever des enfants, ça prend énormément d'indulgence. De la clémence. De la compassion aussi. Beaucoup de compassion. Ces petits êtres ont TOUT à apprendre.  Le mot n'est pas trop fort.

En sortant de ce ventre chaud, ils doivent apprendre à respirer d'eux-mêmes. Respirer. Nous le faisons depuis 20-25-30 ans. On n'y pense plus, c'est comme ça. On ne se rappelle pas qu'on a dû l'apprendre nous aussi. Et je peux affirmer que ce n'est pas si évident que ça pour tous les bébés !

Puis, en vieillissant, ils doivent littéralement apprendre à vivre. À survivre. Difficile pour nous d'imaginer ce qu'ils ont a traverser. Il y a tant de choses qui nous avons intégrés depuis si longtemps, dont l'abstraction ne nous revient pas à l'esprit. J'ai cessé de dire des trucs du genre "sois gentil" à mon fils. Ou plutôt, j'ai cessé de lui dire sans explication, sans exemple, sans modélisation. Que pouvait-il savoir lui du sens du mot gentil ? Maintenant je prends du temps pour lui expliquer des mots, lui donner des exemples. Quand il a un comportement gentil, par exemple, je lui nomme. Et surtout, et ça c'est un cas d'élève lorsque j'enseignais qui me l'a appris, je prends du temps pour expliquer ce que j'attends de lui.

Mon fils de 4 ans est très brillant et mature. Mais je ne me leurre pas. Il a le jugement d'un enfant... de 4 ans ! Il ne connait pas le sarcasme, ni la méchanceté. Qui a déjà essayé d'être sarcastique avec un jeune enfant ? Exemple, dire BRA-VO après une bêtise ? Moi ! Et de voir mon fils presque fier de son coup ou me demander : Pourquoi bravo ? (oui, j'ai tenté le coup plus d'une fois...) m'a fait comprendre qu'il ne saisissait clairement pas le sarcasme.

La première fois qu'il m'a dit : "grosse bedaine mou", j'ai crié et je l'ai assis assez vite merci dans l'escalier. Mais j'ai vu dans ses yeux qu'il ne comprenait pas du tout l'ampleur de ma réaction. Alors j'ai respiré et quand il a pu se relever, je l'ai regardé et je lui ai expliquer qu'on ne dit pas des choses comme ça, même si ce n'est qu'une constatation (outch!). C'est quand même difficile d'expliquer à des enfants ce qui se dit et ce qui ne se dit pas. Le discernement, à 4 ans on ne sait pas trop ce que c'est. Il ne fait pas tout à fait la différence entre un compliment et une insulte. Il ne fait pas tout à fait la différence entre "je constate que..." et "tu seras heureuse de savoir que..." En fait, pour lui c'est la même chose.

Je ne dis pas que je ne sévis pas. Mais j'ai de l'indulgence envers mes enfants. Disons que j'essais d'en avoir le plus possible. J'ai de la compassion pour ces petits êtres qui avancent à tâtons dans ce monde si grand. Pour tous ces essais et erreurs, tout ce travail, tous ces efforts pour tracer leur chemin, pour écrire leur vie, pour prendre leur place.

Je sévis, oui. Mais quand je pense à tout le travail qu'ils ont à faire, je prends un peu de recul et j'ajuste mes attentes, j'ajuste mes réactions.