On avait choisi de vivre les débuts ensemble, dans une
bulle. Savourer ce petit secret qui nous brulait les lèvres et nous gonflait le
cœur. On préparait la surprise. On voulait faire quelque chose de gros, ben un
peu plus que les autres, histoire que ce petit être ne passe pas inaperçu, vu
son 4e rang.
J’étais fatiguée, beaucoup. Ça ne faisait que commencer et
je me demandais ce que la suite serait… Mais je me sentais tellement bien!
Tellement heureuse de porter la Vie encore une fois!
J’avais mon rendez-vous pour mon écho le mardi. J’allais
enfin voir ce petit être qui poussait en moi. Celui qui ajouterait un rayon à
notre famille. Les enfants l’attendaient déjà avec impatience!
Le vendredi précédant, le début de la fin. Au début, je ne
savais pas quoi en penser. Je ne voulais pas m’inquiéter, je ne voulais pas non
plus me fermer les yeux et espérer. Avec l’avis d’un infirmier, j’ai décidé
d’attendre à mardi, de ne pas aller consulter tout de suite. Je crois
qu’inconsciemment, je ne voulais pas voir. Ne pas voir l’inertie. Ne pas voir
l’absence de vie, de petit cœur.
Dimanche matin, la fin. Sans. Aucun. Doute. J’étais en état de
choc d’avoir expulsé un début de vie. Ma première pensée a été pour cet enfant : j’espère qu’il n’a pas souffert… L’amour d’une mère, tsé.
Ce n’était pas ma première fois, pas ma première fausse
couche. Mais ça a été la plus intense. Quelle tempête! Que dis-je, un vrai
tsunami!
19 octobre 2015-11 semaines... à 4 jours de la fin ! |
J’étais enceinte. Pour vrai. À près de 12 semaines, ce bébé
était déjà un membre de notre famille. À près de 12 semaines, j’avais déjà la
bedaine, les hormones à l’envers, la fatigue, les projets, les plans, du
nouveau linge.
Quand ç’a été fini, oui, j’ai eu un deuil à faire. Le deuil
de mon enfant, d’une Vie. Mais au-delà de ça, j’ai fréquenté la mort. Et la mort,
c’est triste.
Quand ç’a été fini, c’est comme si j’avais accouché. Mon
ventre mou, sans le bébé dans les bras. Le post-partum, même si on ne s’est pas
rendus à 12 semaines, a été bien réel! Les hormones qui reviennent à la
normale, sans nécessairement prendre le chemin le plus direct.
Accoucher pendant près de 10 jours, c’est dur sur le corps.
Ça m’a paru pire que d’accoucher d’un enfant à terme. Même si ma dernière
expérience avait été terrible… Même si cet enfant était gros comme un haricot.
Même si c’était beaucoup moins douloureux.
Comme si mon corps ne comprenait rien de ce qui était en
train de se dérouler. Peut-être que ce n’est pas juste une impression.
Peut-être que le corps n’a pas compris, puisque ce n’était pas censé être fini.
Heureusement, tout s’est bien déroulé, dans la mesure où ça
peut bien aller.
Je suis quand même allée à mon écho le mardi suivant. Il
restait bien les traces de la Vie qui m’a traversé le corps. Mais pas plus que
des traces. J’ai fait la paix avec cet événement. J’avais déjà mon idée sur la
fausse couche, même si j’étais loin de me douter de tout le cheminement que ça
me demanderait. Mon idée est restée la même : ça fait partie de la vie, ce
n’est pas moi, « c’est de même, point ». Je comprends quand même mieux...
Mon deuil est fait. J’imagine mon p’tit bout de vie avec ma
tante sur le bord de son lac. Ça me fait du bien d’y penser ainsi. Ça me fait
du bien d’en parler, de dire qu’il a bel et bien existé.
Je croyais vraiment être passée à autre chose. Jusqu’à ce
que je commence à voir des annonces de bébé pour le printemps. Et des annonces
de quatrième bébé.
Parce que tsé, moi aussi….