Dans quelques semaines, ça va faire un an qu’on a coupé la
suce de Mademoiselle C. Ça fera un an qu’on se bat contre la plus grande
histoire d’amour de tous les temps.
Ma fille avait six suces. Pas qu’on soit compulsifs,
simplement que quand on croyait avoir perdu celles qu’on avait, on en
rachetait. Juste avant de le retrouver. Et plutôt que de les jeter ou de les
ranger, je lui ai laissé dans son lit. J’espérais que la nuit, elle les trouve
et se débrouille sans avoir besoin de nous réveiller. Ça ne coute rien de rêver
!
L’Halloween. C’était LA date. Celle qui marquerait la fin.
Ça a été le début de la guerre. Mademoiselle C. a donné sa suce (j’avais coupé
les autres une à une, pour que le choc soit moins grand) à son cousin. Elle a
demandé sa suce la moitié de la première nuit. Si on peut dire qu’elle l’a
demandé. J’étais contente, je pensais que c’était déjà gagné. Ah-Ah.
Oh, elle n’a pas redemandé sa suce. Elle était pleinement
consciente de l’avoir donné à son cousin et que c’était fini.
S’endormir est devenu interminable. Se rendormir la nuit,
presque impossible. On croyait que c’était seulement les premiers jours,
qu’elle s’adapterait. On le croit encore. Mais on pense en années maintenant.
Elle a commencé à prendre la suce de sa petite sœur. D’abord
lorsqu’elle l’a trouvait par terre ou sur un meuble, bref, lorsqu’elle était
inutilisée. Puis, c’était directement dans la bouche de sa sœur. Les
réprimandes, les conséquences, les réconforts, les tentatives de remplacement,
rien ne l’a dissuadé. Encore aujourd’hui, j’ai dû l’avertir et j’ai eu droit à
une crise quand je l’ai repris de force.
On est à la fin septembre. Ça va faire un an à l’Halloween.
On croit encore qu’elle va réussir à faire son deuil. On est convaincu d’avoir
fait la bonne chose en lui enlevant l’an dernier. On trouvait qu’elle
commençait à avoir une relation malsaine avec le caoutchouc. Le besoin était
trop grand, trop souvent. Elle respirait mal, la nuit, la bouche pleine. Elle semblait
se réveiller juste pour son grand amour, pour s’assurer de l’avoir près d’elle.
On envisage de couper la suce de la petite, qui aura 17 mois
dans quelques jours. Tant qu’à se battre avec une, pourquoi ne pas mener toutes
les guerres en même temps ?
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